Nous utilisons tous ou avons déjà utilisé un parfum dans notre vie. Pourtant ce geste qui peut paraitre anodin est-il vraiment sans danger pour la santé? C’est la question à laquelle je vais tenter de répondre dans cet article.
Un petit tour à Grasse, capitale historique des parfums français
Les parfums existent depuis fort longtemps (l’Antiquité) et dans le monde entier. La célèbre ville française de Grasse reste aujourd’hui une des capitales mondiales des parfums. C’est vrai qu’en se promenant dans son centre historique il est intéressant de découvrir dans les multiples musées les origines du parfum et les anciennes méthodes d’extractions.
Sortons du circuit touristique et promenons nous plus bas, sous Grasse, dans la zone industrielle. Vous serez interpellé par les odeurs de jambon ou de fraise tagada! Il se trouve que dans cette zone beaucoup moins romantique que le vieux Grasse, on trouve de nombreuses usines de parfumeries, toutes plus grandes et plus imposantes les unes que les autres. Pour avoir vécu juste à côté plusieurs années je dois vous dire que l’on est loin de l’imaginaire du livre « Le Parfum » de Patrick Suskind avec ses champs de roses et de tubéreuses! Aujourd’hui il reste très peu de ces cultures qui ont toutes été remplacées par des habitations ou par ces superbes usines de parfums. Elles fabriquent tout autant des extraits pour la parfumerie haut de gamme, que pour la cosmétique ou les parfums d’intérieurs ou encore les fameux arômes alimentaires. Ces grandes maisons de parfumeurs sont celles qui composent « les parfums » de la plupart des marques de parfums.
De la plante à la synthèse
A l’origine les parfums étaient fabriqués directement à partir d’extrait de plantes (fleurs, écorces, résine) et d’animaux (musc, ambre..). La plupart du temps on obtenait les molécules aromatiques (parfumantes) par extraction à la vapeur (distillation) ou par enfleurage (extraction dans une matière grasse). De nos jours les molécules aromatiques sont majoritairement obtenues par synthèse.
L’avantage est certain: coût de production réduit, meilleur productivité et rentabilité. Les nez des grandes entreprises de parfumerie disposent d’une palette de plus de 4000 molécules synthétiques odorantes différentes! De quoi faire de nombreuses créations originales !
Mais de quoi est composé un parfum ?
On pourrait penser qu’un parfum a une composition assez simple, cependant celui-ci est composé à minima de 4 élements :
* un concentré parfumant (le mélange de substances odorantes naturelles ou synthétiques qui donnent son odeur au parfum). Selon son % dans la formule finale, on parlera d’eau de cologne (2 à 5%), d’eau de toilette (5 à 10%), d’eau de parfum (10 à 15%) ou de parfum (de 15 à 30%).
* de l’alcool
* un dénaturant de l’alcool (pour que l’alcool ne soit pas consommable)
* de l’eau
+ la plupart du temps d’autres ingrédients tels que des colorants et des filtres UV .
Nous allons voir qu’il existe 2 qualités de parfums :
Les parfums conventionnels: un cocktail synthétique peu sympathique !
Le parfum conventionnel c’est celui que vous pouvez acheter aussi bien dans les parfumeries classiques, dans les pharmacies, dans les supermarchés, un peu partout en fait…C’est celui que les grandes marques de mode vous propose, vous voyez de qui je parle …
La réglementation cosmétique qui s’applique aux parfums permet de ne pas dévoiler tous les ingrédients et donc de cacher certaines substances derriere le mot parfum que l’on trouve dans la liste d’ingrédients sur les emballages. Regardons donc de plus près une composition classique de parfum conventionnel :
- Le concentré parfumant est composé en moyenne de 10% de matière naturelle et de 90% de matière synthétique, c’est à dire d’origine pétrochimique. On peut y retrouver des muscs synthétiques (les muscs polycycliques) qui sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens et qui en plus ne se dégradent pas dans l’environnement.
- De l‘eau déminéralisée (inerte mais sans danger ;-).
- De l‘alcool d’origine pétrochimique : il s’agit d’éthanol synthétique issu de matières fossiles.
- Un dénaturant de l’alcool (il s’agit du Diéthyl Phtalate, même si il est autorisé il est à présent reconnu comme un perturbateur endocrinien et c’est bien le seul phtalate, encore autorisé en parfumerie, alors que tous les autres phtalates sont maintenant interdits!) mais vous ne le verrez pas sur l’embllage car il est caché dans le terme parfum ou fragrance dans la liste d’ingrédient.
- Un agent antioxydant : le BHT, il permet au parfum de ne pas « tourner » mais il est également suspecté d’être un perturbateur endocrinien !
- Un ou plusieurs colorants (reconnaissables dans la liste des ingrédients par la dénomination CI..) à savoir que ces colorants sont souvent des colorants azoïques qui sont reconnus très allergisants !
- Un ou plusieurs filtres UV chimiques si il y a un colorant (pour que ce colorant ne perde pas sa couleur au fil du temps). Ces filtres chimiques, Benzophénone, Octyl methoxycinnamate, Ethylhexyl methoxycinnamate, Butyl methoxydibenzoylmethane, posent problème puisque ce sont eux aussi des perturbateurs endocriniens. Regardez bien la couleur de votre parfum et vous saurez vite si votre parfum contient des perturbateurs endocriniens ;-)
En moyenne ce sont 3 parfums sur 4 qui contiennent des perturbateurs endocriniens (pour les reconnaitre lisez bien les étiquettes car ils sont identifiés dans la liste d’ingrédients) : BHT, BHA, Benzophénone, Octylmethoxycinnamate… et les fameux « invisibles » Phtalates.
Cas pratique : maintenant c’est à vous de jouer ! Voici la liste inci d’un parfum conventionnel, cherchez les intrus :)
ALCOHOL, PARFUM (FRAGRANCE), BUTYLENE GLYCOL, GLYCERIN, AQUA (WATER), BENZYL SALICYLATE, BUTYL METHOXYDIBENZOYLMETHANE, ETHYLHEXYL METHOXYCINNAMATE, COUMARIN, BHT, LINALOOL, HEXYL CINNAMAL, HYDROXYCITRONELLAL, BENZYL ALCOHOL, CINNAMYL ALCOHOL, EUGENOL, CINNAMAL, AMYL CINNAMAL, GERANIOL, LIMONENE, BENZYL BENZOATE, CI 14700 (RED 4), CI 60730 (EXT. VIOLET 2), CI 19140 (YELLOW 5)
Avez-vous repéré des ingrédients suspects ?
Il est facile de repérer au moins un perturbateur endocrinien : le BHT et 3 colorants CI 14700 (RED 4), CI 60730 (EXT. VIOLET 2), CI 19140 (YELLOW 5). Hors nous savons que qui dit colorant dit filtres UV chimiques. Les coquins de filtres UVsont bien visibles : BUTYL METHOXYDIBENZOYLMETHANE et ETHYLHEXYL METHOXYCINNAMATE. Donc nous avons déjà 3 perturbateurs endocriniens assurement dans cette formule. Etant donné que c’est un parfum de type Musc, il doit y avoir un 4ème perturbateur endocrinien dans la formule mais il est caché derrière le terme parfum. Pour finir en beautéau moins 2 sur 3 les colorants sont de type azoïques qui sont potentiellement allergisants. Qui veut encore se parfumer ?
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2012) : « Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations ».
Si vous souhaitez en savoir plus et notamment sur la réglementation des perturbateurs endocriniens, je vous conseille la lecture de cet excellent article régulièrement mis à jour de Cosmebio : https://www.cosmebio.org/fr/nos-dossiers/tout-savoir-perturbateurs-endocriniens/
Je me permet de citer un passage qui a retenu toute mon attention, comme souvent le consommateur doit être vigileant …
A ce jour, il n’existe aucune réglementation spécifique applicable aux perturbateurs endocriniens en raison de l’absence de définition réglementaire commune et officielle à l’ensemble de la législation européenne…. La définition réglementaire en cosmétique n’a pas encore été définie mais des réflexions sont en cours.
Cosmebio, article « Ce qu’il faut savoir sur les perturbateurs enndocrininens »
Les phtalates les plus couramment utilisés dans les parfums incluent le diéthyl phtalate (DEP), le di-n-butyl phthalate (DBP) et le benzyl butyl phthalate (BBP).
Il est important de noter que les phtalates peuvent être absorbés par la peau et peuvent être potentiellement nocifs pour la santé en raison de leur effet sur les systèmes endocriniens et reproductifs. Certaines études ont également associé l’exposition aux phtalates à des effets négatifs sur la fertilité, le développement fetal et la santé reproductrice.
C’est pourquoi il est important de lire attentivement les étiquettes des produits cosmétiques, y compris les parfums, pour connaître les ingrédients et de faire preuve de prudence en choisissant des produits qui ne contiennent pas ou qui contiennent des quantités minimales de phtalates et d’autres perturbateurs endocriniens.
Et si vous aviez le droit de choisir autre chose, un parfum sans phtalates, ni BHT, ni colorant, ni filtre UV, bref sans perturbateurs endocrinien, est-ce que vous feriez ce choix?
Les parfums naturels: une approche totalement différente de la parfumerie
Dans un vrai parfum naturel, voici ce que l’on trouve :
- Le concentré parfumant est 100% issu de matière naturelle, il n’y a pas de molécules aromatiques de synthèse. Les molécules parfumantes sont issues soit de la distillation ou d’une extraction par solvant (même procédé que l’enfleurage). Il ne reste pas de résidus de solvants, on appelle le résultat de ce procédé un absolu. Cette technique est utilisée pour certaines plantes dont on ne peut capturer les essences par la distillation (Jasmin, Benjoin, Fève Tonka..)
- L’eau peut être une eau de source.
- L’alcool est d’origine végétale (issu de la fermentation de céréales ou de betteraves) et certifié bio la plupart du temps.
- Il y a parfois un dénaturant de l’alcool, ce qui fait que le parfum lui même n’est pas toujours à 100% d’origine naturelle (le dénaturant de l’alcool n’est pas d’origine naturelle mais il ne s’agit pas de phtalates heureusement !)
- Il n’y a pas de colorant ni de filtre chimique.
Ainsi dans la liste d’ingrédient d’un parfum naturel vous pouvez trouver l’alcool identifié de 2 manières : Alcool ou Alcool dénat.
Alcool quand la dénaturation est faite par les huiles essentielles elles-mêmes et Alcool dénat. quand la dénaturation est faite en amont via un dénaturant (on le rapelle ce dénaturant ne sera pas un Phtalate !)
En espérant que cet article aura répondu à vos questions, je vous remercie pour votre lecture et pour le message sur la composition des parfums que vous ferez éventuellement passer autour de vous ;-)
Je souhaite également remercier Valérie DEMARS, fondatrice de la maison de parfums Aimée de Mars, pour le temps qu’elle a bien voulu m’accorder et pour son partage d’informations précieuses qui m’ont permis de rédiger cet article. Un prochain article plus détaillé suivra sur le sujet des parfums naturels !
Sources
https://aimeedemars.com/blogs/le-journal-daimee
https://www.cosmebio.org/fr/nos-dossiers/alcool-cosmetiques-bio/
https://www.febea.fr/fr/denaturation-lalcool
https://www.cosmebio.org/fr/nos-dossiers/tout-savoir-perturbateurs-endocriniens/
https://incibeauty.com/ingredients/12685-diethyl-phthalate